Un divorce schizophrénique

Ce monde se déchire, petit à petit, jusqu'au délitement. L'exemple le plus symbolique de cette tendance, c'est évidemment le Brexit, qui voit l'Europe perdre une (petite) partie d'elle-même, et qui voit le Royaume-Uni se replier sur lui-même dans l'espoir de retrouver son aura d'antan (ce qu'il sera à mon avis très loin de regagner avec le Brexit : son aura n'en sera que plus diminuée et sa stature à l'échelle internationale se réduira comme peau de chagrin, mais ceci est un autre débat). Et ce fameux divorce vient apparemment d'entrée dans sa deuxième phase : celle d'un accord commercial "équitable" pour les deux parties.

Je mets équitable entre guillemets, parce que bien sûr, aucun acteur de cet affaire ne pourra trouver une solution qui lui paraîtra équitable : les intérêts qui sont en jeu pour chacun sont tout simplement trop grands et trop contradictoires. Jugez par exemple le cas de l'Allemagne. En théorie, celle-ci souhaiterait une grande fermeté à l'égard des prétentions britanniques : elle voudrait, comme la France, faire du Royaume-Uni un exemple pour éviter que d'autres pays européens aient les mêmes vélléités d'indépendance : ce serait là la fin de l'Europe, si ce délitement trouvait écho. Pour autant, l'Allemagne est particulièrement dépendante de son industrie automobile (pour rappel, elle fait vivre 800 000 personnes dans le pays), et le Royaume-Uni est particulièrement friand de voitures germaniques. D'où un dilemme impossible à résoudre. De même pour la France, qui souhaiterait condamner le Royaume-Uni pour sa défection mais compte cependant sur lui pour un partenariat sur la défense et contre le terrorisme. Les intérêts ne sont donc pas contradictoires entre les différents acteurs, mais au sein même de chaque acteur ! Et tout ça laisse à penser que dans ce divorce, tout le monde sera un peu schizophrénique. Mais au moins, nous sommes dans l'air du temps...